LES GRAISSES DES PRODUITS LAITIERS: bonnes ou mauvaises ? (1)
Les produits laitiers sont souvent décriés à cause de leur teneur en lactose ou en protéines (caséine, lactosérum) réputées indigestes ou encore à cause de leur forte teneur en facteurs de croissances. (Nous reviendrons sur ces aspects dans les prochains numéros). Mais quand est-il de leurs teneurs en matières grasses ?
Le lait contient de très nombreux acides gras (AG) à courtes et moyennes chaines. Les matières grasses laitières sont riches en AG saturés et contiennent même des AG trans en faibles quantités. Les graisses Trans ont très mauvaises réputations, en particulier lorsqu’elles sont le produit de l’industrie agro-alimentaire. Les graisses Trans ont une structure spatiale différente des graisses dites « cis » réputées bonnes pour notre santé. Une trop grande consommation de ces AG Trans est même un facteur des maladies métaboliques dites de civilisation !
En effet, ces graisses Trans industrielles ne peuvent être métabolisées que dans le foie comme peuvent l’être certains autres « nutriments » réputés toxiques (alcool, fructose). Cependant il ne semble pas en être de même lorsqu’ils sont issus d’un lait animal. En effet, les AG trans et saturés sont toujours présents dans tous les laits des mammifères comme dans le lait humain car ils sont nécessaires au développement du nourrisson.
Ces AG (Trans et saturés d’origine animal et donc naturel) ont même été notre principale source d’énergie depuis des centaines de milliers d’année dans le régime chasseur-cueilleur lorsque les glucides étaient rares. Le climat rude de l’ère glaciaire qui dura des dizaines de milliers d’années nous imposais une consommation importante de viandes et surtout d’abats d’animaux sauvages. Notre organisme a appris à utiliser les graisses saturées à chaines courtes et moyenne comme celles que l’on trouve dans la noix de coco qui jouit aujourd’hui d’une très bonne réputation. Une étude en 2008 (1) a montré que comparativement aux graisses trans industrielles, l’ingestion de gras trans naturels produit une augmentation du « bon » cholestérol (HDL) chez les femmes.
Les AG trans naturels contenus dans les produits laitiers et dans la viande des ruminants n’ont donc pas d’effets négatifs sur la santé cardiovasculaire comme on nous l’a fait croire dans les années 80. D’ailleurs nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ou certaines populations très carnivores des pays du nord ont encore des taux de mortalité par maladie cardio-vasculaires bien inférieurs au notre. (Je précise que certaines peuplades vivent aussi longtemps que nous avec des régimes alimentaires basés sur les produits laitiers et la viande. Je reviendrais sur ce point dans un prochain article). C’est la trop grande quantité d’AG trans qui pourrait être nocive, en particulier lorsqu’on associe une trop grande consommation de produits animaux aux graisses Trans industrielles (margarine, chips, plats industriels...).
En ce qui concerne la concentration du lait animal en graisse Trans et saturées celle-ci ne varie pas en fonction de l’alimentation de l’animale. Par contre, des animaux nourris aux grains (maïs, soja) pour être rapidement engraissés, produisent un lait très riche AG oméga 6. Or ces acides gras polyinsaturés sont réputés pro-inflammatoires s’ils sont consommés en trop grandes quantités et lorsqu’ils ne sont pas compensés par des oméga 3. Le maïs à la fâcheuse réputation de faire grossir le foie (stéatose) à cause de sa forte teneur en fructose et ainsi de rendre les bêtes obèses et malades. Le lait produit par des animaux ayant au contraire pâturés (herbe, foin) présente un bien meilleur profil en acides gras : faible teneur en acides gras saturés, teneur élevée en acides gras mono et polyinsaturés, faible rapport oméga 6/oméga 3.
Ce type de ration alimentaire n’est hélas pas la norme dans l’élevage intensif. Elle est en revanche fréquente dans les zones herbagères de plaine, de piémont et de montagne et caractéristique des périodes de printemps/été́. Mis à part les fourrages, la graine de lin est la seule source lipidique qui permette des apports importants en oméga3 (EPA_DHA), ces fameux acides gras si importants aux maintiens de nombreuses fonctions organiques (nerveuses, cardio-vasculaires, immunitaires...)
On retiendra donc dans cet épisode consacré aux graisses animales, qu’un produits laitier issu d’élevage intensif et qui a subi un traitement industriel (dégraissage, chauffage UHT...) est un aliment inadapté à l’homme. Par contre un lait produit par des animaux sauvages ou issus d’élevage naturel, ayant pâturé ou nourris au foin (« bio ») apportera des lipides dont la qualité et l’équilibre nutritionnel est parfaitement satisfaisant pour l’homme. Le beurre bio (de montagne) qui ne contient ni lactose, ni protéine, est pour sa richesse en acide gras saturés à chaines courtes un aliment dont il serait dommage de se priver. Trop longtemps diabolisées à tort, les graisses saturées jouent un rôle primordial dans le maintien d’une santé optimale.
Facilement convertis en énergie les acides gras saturés aident à économiser et à utiliser les acides gras essentiels. L’explication serait qu’un apport plus important en acides gras saturés implique que le corps aura moins recours aux acides gras insaturés pour fabriquer, par saturation enzymatique, les acides gras saturés qui lui manquent.
Vous pouvez donc mangez du beurre sans culpabilité, à conditions de le choisir d’un élevage sélectionné et d’avoir une capacité digestive des graisses suffisantes !
Mais en est-il de même aujourd’hui pour les autres produits laitiers et leurs constituants que sont le lactose, la béta-caséine ou les facteurs de croissances... ? C’est ce que nous verrons prochainement.
Fin de la quatrième partie
(1) Je précise que dans cet article nous n’aborderons que la problématique des lipides contenus dans les produits laitiers.
(1). Chardigny JM, Destaillats F, et al. Do trans fatty acids from industrially produced sources and from natural sources have the same effect on cardiovascular disease risk factors in healthy subjects? Results of the trans Fatty Acids. Am J Clin Nutr 2008; 87:558–566
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