L’hypothèse hygiéniste
Le reportage d’Arte s’intitulait « Le jeûne une nouvelle thérapie ? ». Cependant, le jeûne n’est pas une thérapie. Il n’est qu’un repos physiologique qui permet à notre corps de rattraper des éliminations en retard et qui favorise la régénération cellulaire. Il n’est en fait qu’un moyen de placer l’organisme dans des conditions qui vont favoriser les réparations tissulaires.
Comment cela est-il possible ?
Ce phénomène d’auto-régénération dépend de la répartition de notre énergie nerveuse et glandulaire (plus communément appelée énergie vitale) dans l’organisme.
Chaque fois que nous digérons, que nous avons des soucis ou simplement un travail intellectuel, que nous faisons de l’exercice physique ou que nous réalisons un travail d’élimination (rein, intestin, peau...), nous mobilisons une partie de notre énergie vitale. Le mode de vie occidental est fait de longues et pénibles digestions, de stress psychologiques répétés alors que le sommeil n’est plus aussi récupérateur. Il en résulte une dérivation de l’énergie nerveuse vers les organes digestifs et le cortex. Cela à pour conséquence, un déficit en énergie nerveuse pour les organes de l’élimination et pour la régénération cellulaire. Ce que l’on prend d’un côté n’est plus disponible d’un autre.
Lors du jeûne, quasiment toute l’énergie vitale doit être économisée et ramenée vers la fonction émonctorielle (l’élimination). C’est pourquoi, pour jeûner, outre le fait d’arrêter de manger, il est important de vivre dans un environnement favorable au travail interne du corps ; contact avec la nature, climat agréable, loin de ses préoccupations quotidiennes, entouré de personnes de confiance… On veillera à ne pas dépenser son énergie inutilement : le repos est indispensable (nous reviendrons sur ce point très controversé ultérieurement).
Mais il ne faut pas croire que durant cette période l’organisme reste inactif. Bien au contraire, un énorme chantier de régénération tissulaire et d’élimination est alors entreprit au cœur de nos cellules.
Comment est-il possible de guérir ou d’améliorer sa santé par le jeûne ? Combien de temps peut-on rester sans manger ? Ne risque-t-on pas d’être carencé ou épuisé ?...
L’autolyse : le recyclage du corps à l’origine de la régénération
Nombreuses sont les interrogations et surtout les craintes concernant le jeûne. Ces « peurs » et autres préjugés sans fondement, sont même parfois véhiculés dans les médias par des médecins de grande notoriété, qui n’ont pourtant aucune expérience du jeûne. C’est par exemple le cas du Dr Cohen (nutritionniste) qui affirme que « si le corps ne reçoit plus d’aliment il va dégrader ses tissus protéiques (les muscles) et en particulier le muscle cardiaque avec pour conséquence des risques de pathologie ».
De telles affirmations n’ont aucun fondement scientifique et témoignent d’une méconnaissance totale de la physiologie du jeûne. Ce reportage d’Arte a pour mérite d’expliquer, à travers de nombreux travaux scientifiques, notre parfaite capacité d’adaptation au jeûne.
Les croyances et les peurs du Dr Cohen sont ainsi balayées par la thèse de doctorat du Dr Lemar qui note : « L’épargne protéique représente le mécanisme fondamental de l’adaptation au jeûne, permettant une survie de plusieurs semaines à plusieurs mois. » (2)
Voyons maintenant comment cette adaptation se réalise.
L’autolyse
Notre organisme, pour fonctionner, a besoin (en plus des micronutriments tels que vitamines, oligo-éléments…) de glucose, d’acide gras et de d’acides aminés. Ces éléments sont aussi nos constituants et ils nous servent de réserves énergétiques pour assurer nos fonctions vitales. Pour vivre, notre organisme s’évertue à maintenir un taux de glucose sanguin compris entre 0.7 et 1.1 g/l de sang.
Ce taux doit rester constant afin d’alimenter entre autres, notre cerveau et éviter un coma. Le carburant de base de notre organisme est donc le glucose. Lorsque nos réserves en glucose (stockées dans le foie et les muscles) s’épuisent, le corps est capable d’en fabriquer à partir des réserves protéiques. Mais le glucose peut aussi être remplacé par un carburant issu de la dégradation des lipides : les corps cétoniques. La question qui se posait alors au chercheur Yvan Le Mao (CNRS Strasbourg) était de savoir si, sans apport nutritif, le corps utilisait en priorité les réserves de graisse ou les réserves protéiques. En observant le métabolisme des manchots puis celui d’autres animaux (souris.) lors du jeûne, Yvan Le Maho observa qu’après plus de 24h de jeûne, les réserves en glucose étaient quasiment épuisées. A ce moment-là, l’organisme met en place un mécanisme d’adaptation universel pour toutes les espèces. Il va transformer les graisses en corps cétoniques qui constitueront le carburant de substitution aux molécules de glucose. Le chercheur constate que les cellules cérébrales sont particulièrement bien adaptées à ces corps cétoniques. Durant toute la période (quatre mois) que dure le jeûne des manchots, leur corps n’utilise quasiment pas les réserves protéiques, préservant ainsi l’intégrité physique de l’animal qui peut continuer à vivre normalement. Ce n’est que lorsque les réserves de graisse sont pratiquement épuisées (après plus de trois mois de jeûne pour le manchot) qu’un signal est envoyé à l’hypothalamus (centre de régulation des fonctions vitales) et pousse l’animal à partir chasser pour se réalimenter.
Ces mécanismes de préservation viennent compléter ceux déjà bien identifiés par certains hygiénistes et scientifiques, il y a déjà quelques décennies. C’est le cas de H.M Shelton qui cite les travaux du Professeur Yeo et Chossat pour expliquer en détail les deux phases du jeûne. (3)
Les deux phases du jeûne
Phase 1 : Phase constructive du jeûne
La première phase du jeûne dure entre 20 et 70 jours chez l’homme suivant ses réserves et sa capacité à les mobiliser. Elle représente la période durant laquelle l’organisme va vivre sur ses réserves de graisses en s’adaptant aisément. Les scientifiques parlent d’une moyenne de quarante jours pour rester dans des normes de viabilité (cela nous renvoie en passant aux quarante jours de jeûne de Jésus dans le désert ou ceux de Moïse avant de recevoir les tables de la loi). Durant cette phase, l’organisme va chercher, dans ses tissus, le carburant et les matériaux nécessaires pour survivre. Un jeûneur continue donc d’être nourrimais uniquement à partir de ses propres réserves. Heureusement, cette auto-nutrition ne se fait pas de façon anarchique, bien au contraire. Il existe en nous une forme d’intelligence archaïque orientée vers la survie si bien que notre corps va recenser et désintégrer prioritairement ses tissus usés ou excédentaires pour les recycler en matériaux réutilisables et en éliminer les déchets. On appelle « autolyse » ce processus de désintégration tissulaire. Les tissus malades les plus inutiles sont remplacés par des tissus neufs que l’organisme synthétise lui-même. Donc, qui dit « autolyse » dit « rajeunissement ». Le corps « se mange lui-même » pour se régénérer. Il ne pourrait construire des tissus neufs sans éliminer au préalable ses tissus croulants : on ne bâtit pas du neuf sur du vieux.
Ce qu’il y a de formidable dans ce processus d’autolyse, c’est que le corps ne consomme jamais ses tissus de façon indiscriminée. Fidèle à sa règle de toujours préserver au maximum son intégrité (programme de survie), il utilise en priorité les tissus les moins vitaux. « L’économie la plus sévère est exercée dans l’appropriation des réserves nutritives pour entretenir le cœur, les poumons, le cerveau, les nerfs et autres organes vitaux » nous dit H. Shelton.
Le physiologiste Yeo et le professeur Chossat ont autopsié des personnes mortes d’inanition c‘est à dire qui ne se sont plus alimentés durant des périodes dépassant le cadre du jeûne thérapeutique (c'est-à-dire bien au-delà de ce que leurs réserves leur permettaient d’aller).
Les pertes suivantes ont été observées :
Graisse 97%
Muscle 30%
Foie 56%
Rate 63%
Sang 17%
Cœur 0.2%
Centres nerveux 0.1%
La nature favorise donc bien les organes les plus vitaux. La graisse disparaît d’abord, et ensuite les autres tissus dans l’ordre inverse de leur utilité vitale. Les tissus essentiels (cœur et système nerveux…) obtiennent leur nutrition des moins essentiels, par action enzymatique.
Dans cette première phase, de nombreuses autres adaptations témoignent encore de cette intelligence biologique qui nous anime : le corps passe en mode économique.
Le Professeur Levanzin constate une diminution significative de la consommation d’oxygène qui, après trois semaines de jeûne, passe de 352,6 l/jour à 272l/jour. Ceci s’accompagne d’une légère baisse de la température interne du corps.
La tension artérielle est aussi légèrement abaissée car la concentration en sel, dans le sang et les liquides extracellulaires diminuent. Ainsi, le volume sanguin diminue tout comme les phénomènes de rétention d’eau. Nombreuses sont les personnes souffrant d’hypertension, surprises de voir leur tension ramenée vers la « norme » durant le jeûne et ce, bien sûr, sans médication.
La pratique du jeûne déclenche l’élévation du zinc au-dessus des normales sanguines (4). Or, le zinc est un élément actif dans la croissance et la multiplication des cellules. Cette élévation du zinc augmente l’affinité des globules rouges pour l’oxygène, facilitant ainsi le transport d’oxygène et favorisant aussi la cicatrisation des tissus, la synthèse du collagène est reliée au meilleur fonctionnement de la peau. Mosséri écrit « Le jeûne permet le rajeunissement de dix ans au moins …une langue propre, des yeux brillants, une peau claire et les rides autour des yeux disparues, tous ces changements ne sont pas uniquement superficiels, mais bien le miroir de changements profonds … ».
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