En Mars 2012, sur Arte, un petit évènement a eu lieu à la télévision française : un reportage sur le jeûne et ses effets thérapeutiques a été diffusé. Il s’intitule « Le jeûne, une nouvelle thérapie ? ». Je parle d’un évènement puisque l’émission s’évertuait à présenter une technique de santé alternative, habituellement très controversée par l’establishment médical, sans préjugé et sans chercher à faire du journalisme à sensation. Au contraire, les reporters avaient comme ambition de comprendre objectivement et à travers le regard de scientifiques reconnus, comment le jeûne pouvait influer sur notre santé et être à l’origine de nombreuses guérisons.
Bien sûr, on peut lire ça et là sur internet, les réactions de certains adeptes du jeûne rétorquant que les scientifiques « n’ont fait que redécouvrir l’eau tiède », parce que cette pratique existe dans la nature depuis toujours chez les animaux et est pratiquée dans un but thérapeutique par l’homme depuis des millénaires. En tant qu’adepte du jeûne depuis plus de 10 ans, dans un premier temps, ce fût aussi ma réaction. Cependant, je me suis dit que si des scientifiques s’intéressent au jeûne, peut-être pourra-t-on en finir avec les préjugés et enfin redonner ses lettres de noblesse à une « méthode » prescrite par la nature. Avant de voir quelles ont été les découvertes récentes sur le jeûne faîtes par ces scientifiques, essayons de comprendre ce que représente le jeûne dans la nature.
Le jeûne dans la nature
Spontanément et pour des raisons diverses, les animaux qui ont gardé un instinct intact (cela exclu un bon nombre d’animaux domestiques), s’abstiennent de manger durant certaines périodes de leur vie. Bien sûr, on connait les longues périodes d’hibernation que de nombreuses espèces (ours, rongeurs, chauve-souris…) passent grâce à des mécanismes bien identifiés comme la mobilisation de réserves qu’ils emmagasinent en eux-mêmes et la diminution de leur métabolisme. C’est aussi le cas pour les animaux à sang froid (reptiles, grenouilles, certains poissons, escargots, araignées…) qui se cachent, s’enfouissent…pour vivre cette période isolés du monde extérieur. D’autres, plus rares, jeûnent durant la période d’accouplement. C’est le cas du Jars qui perd durant cette période le quart de son poids ou du pingouin qui va s’abstenir de nourriture durant les quatre mois durant lesquels il couve son œuf. Le phoque à fourrure d’Alaska est sans doute l’un des jeûneurs les plus actifs puisqu’il s’abstient de nourriture durant la période du rut. Pendant les trois mois entiers que durent la période d’accouplement, il ne mange ni ne boit. Il passera son temps à se battre pour obtenir une place sur le rivage ainsi que pour constituer son harem de six femelles. A la fin de cette longue période de débauche, de lutte et d’amour, toute sa graisse a disparu. Il est exténué. Il s’isole alors dans les hautes herbes et s’étend au soleil pour dormir trois semaines sans se réveiller, s’il n’est pas dérangé. Il y a des moments où le sommeil est plus important que la nourriture !
Hormis ces périodes d’hibernation ou de reproduction, il existe un autre état particulier poussant l’animal à jeûner ; les animaux sauvages s’abstiennent de manger s’ils sont malades, blessés ou simplement stressés. Un chien ou un chat blessé ou confronté à une maladie aigue, se mettra à l’écart de son clan afin de se reposer et jeûner jusqu’à ce qu’il aille mieux. Il refusera avec persistance la nourriture la plus tentante qu’on puisse lui offrir et se contentera d’un peu d’eau. C’est ce que constate Dr Félix Oswald (cité par Herbert Shelton (3) ) lorsqu’il observa un daim blessé se retirant dans un antre écarté et s’abstenant de manger des semaines de suite . Le Dr Erwin Liek observe que « les petits enfants et les animaux, guidés par un instinct infaillible, limitent le plus possible leur nourriture s’ils sont malades ou blessés ». (« Le jeûne » H.M Shelton, Ed le courrier du livre.)
L’homme d’aujourd’hui, à la différence de ses lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs, est sans doute le seul animal à ne jamais connaître de période de repos digestif volontaire. Face à la maladie, notre réponse est de manger à tout prix, même si nous n’avons pas d’appétit croyant que l’aliment va nous aider à vaincre la maladie. « Mange, il faut reprendre des forces !». On a en effet, tendance à confondre les périodes de restrictions alimentaires qui sont encore présentes dans la mémoire de nos parents et grands parents, avec le jeûne qui doit être vécu comme une véritable retraite organique volontaire, un temps de pause nécessaire à la régénération tissulaire.
Alors, face à la maladie, en période de stress ou de fatigue, faut-il absolument manger même si le corps ne réclame pas d’aliment, ou faut-il s’isoler, se reposer et s’abstenir de nourriture comme le font les animaux ?
L’homme, à la différence de l’animal, n’est plus guidé par son instinct. C’est notre mental, c'est-à-dire nos connaissances mais aussi nos préjugés, nos peurs, notre histoire… qui nous guident dans nos choix. Pour savoir ce qui est bon pour sa santé, l’homme est obligé de se référer à des théories (plus ou moins scientifiques et la plupart du temps contradictoires) ou des croyances, si bien qu’il devient impossible de savoir ce qui est réellement bon pour lui. Le débat opposant les différents régimes et nutritionnistes à la mode comme Dukan, Montignac, Cohen… en est la parfaite illustration. Heureusement, l’observation de la nature nous donne des informations merveilleuses qui sont maintenant objectivées par la science.
Les origines modernes du jeûne thérapeutique
Comme bien des découvertes scientifiques, c’est le hasard ou quelques heureuses distractions qui ont mis en lumière les effets bienfaisants du jeûne. Nicole Boudreau relate l’histoire du Dr Isaac Jennings, médecin Américain, qui en 1830 soigna une jeune fille atteinte du typhus ; pour cette patiente très souffrante, même la prise de médicament s’avérait dangereuse. Le Dr Jennings se résigna à l’« abandonner » à son sort après avoir recommandé de lui faire boire de l’eau pure et de la laisser au repos. A sa grande surprise, la jeune fille se rétablit complètement. Le médecin comprit, par la suite, que le corps travaille avec dynamisme à son propre rétablissement et qu’il ne faut pas aller à l’encontre de ses propres intentions. « Laisser le corps combattre la maladie » devint l’un des préceptes de la médecine du Dr Jennings. Pour rassurer ses patients, il leur donnait des pilules de pain et de l’eau colorée (comme placébo) afin que personne ne se méfie de son « laisser faire ». Il obtint des succès phénoménaux et après vingt années d’ « imposture », il confessa le secret de ses réussites : l’usage illusoire des placébos et sa conviction profonde que le corps se guérit de lui-même. Ses aveux lui firent perdre sa clientèle car rares étaient les malades qui pouvaient croire que le corps est capable de s’auto-guérir.
Toujours au 19eme siècle, le Dr Tilden puis le Dr Trall firent par « distraction » les mêmes découvertes. Ce dernier ouvrit une maison de santé à New York proche d’un hôpital et y recueillit les cas désespérés qu’il décida de soigner en excluant l’usage des médicaments. L’eau pure et le repos constituaient ses seules ordonnances. Il obtint des résultats spectaculaires qui l’emmenèrent à fonder en 1853 la faculté hygiéniste de New York, reconnue par l’état, où il délivra des centaines de diplômes.
Plus récemment, le reportage d’Arte relate les travaux exceptionnels du Dr Youri Nikolaev qui dirigeait un centre de psychiatrie en URSS dans les années 60. Ce médecin eu le courage et la curiosité de suivre une intuition étonnante. Confronté à un patient schizophrène qui refusait la nourriture et qui restait prostré dans son lit, il décida de ne pas le nourrir de force ni de lui donner les médicaments qui faisaient partie du protocole habituel (camisole chimique). A son 5eme jour de jeûne, ce psychiatre constata que le patient « sorti de son négativisme et ouvrit les yeux » (note du médecin), le 10eme jour « il alla marcher mais gardait toujours le silence », le 15eme jour « il bu un verre de jus de Pomme et revint à la vie sociale ». Le Dr Nikolaev fit jeûner (entre 10 et 40 jours) plus de 8000 patients issus de la grande psychiatrie ; 70% d’entre eux s’améliorèrent nettement et 40% retrouvèrent une vie sociale normale. Il constata aussi de nettes améliorations sur le plan somatique : asthme, hypertension, rhumatisme… évoluaient positivement, si bien qu’il interpella les pouvoirs publics et reçu un écho favorable de la part de médecins militaires qui reprirent ses travaux. Depuis, dans certaines régions de la Russie, le jeûne est devenu un élément central de la politique de santé publique. Les cures de jeûne sont même remboursées lorsqu’elles sont faites dans le cadre d’un suivi médical comme c’est le cas au Sanatorium de Gorinschinsk (Sibérie).
Depuis plus de cent ans, certains médecins (peu nombreux il est vrai !) ont réalisé des jeûnes expérimentaux. Le Dr Luggi Lucciani, professeur de physiologie à l’Université de Rome, étudia un jeûne de trente jours entrepri par Succi en 1889. Le Professeur A. Levanzin, de Malte, en 1912 vint en Amérique afin d’être observé pendant qu’il faisait un jeûne d’une durée de 31 jours tout en subissant une batterie d’examens médicaux (pouls, pression sanguine, taux respiratoire, analyse sanguine et urinaire, mesures anthropométriques, étude de la pousse des cheveux…).
Mais, outre le fait de constater que le jeûne favorise des adaptations organiques particulières et apporte fréquemment des améliorations physiques et mentales spectaculaires ainsi que des guérisons « quasi inimaginables », les raisons de ces guérisons restent toujours mystérieuses pour la médecine officielle. Les dix mille dossiers conservés au Sanatorium de Gorischinsk témoignent de ces résultats spectaculaires (film Arte, op cit).
Alors quels mécanismes physiologiques président à l’amélioration des états morbides lors du jeûne ?
Les médecins se trouvent désemparés face à un organisme qui se guérit par lui-même (sans aucune intervention médicale) alors qu’il est privé de ce qui est sensé lui apporter de l’énergie (dans la conception allopathique): l’aliment. Nous pensons que la clef de cette compréhension ne pourra advenir que dans le changement de conception de la santé et de la maladie : -« Il faut être capable de se mettre « la tête à l’envers » pour admettre les bienfaits du jeûne » affirmait le fils de Nicolaev dans le reportage d’Arte.
Nous allons poser l’hypothèse que l’une des clefs de la compréhension des mécanismes physiologiques qui favorise la guérison durant le jeûne repose sur la capacité du corps à utiliser à bon escient la force vitale (énergie nerveuse et glandulaire).
Nous verrons comment au prochain numéro
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